Analyse de l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris

 

 

I - L’U.R.V., représentée par M. Henry de Lesquen, son président, conseiller municipal de Versailles, a formé un recours pour excès de pouvoir contre la délibération n° 2001.06.152 du Conseil municipal de Versailles du 28 juin 2001 autorisant la cession de l’ensemble immobilier “Le Panier Fleuri”, situé à l’angle des avenues de l’Europe et de Saint-Cloud, à la SCI de l’avenue de l’Europe, filiale de la société Léon Grosse.

Par jugement du 14 mars 2002, le tribunal administratif de Versailles a rejeté cette requête.

L’U.R.V. a interjeté appel de cette décision et a notamment repris son moyen, en se fondant sur plusieurs indices concordants, selon lequel la délibération attaquée était entachée d’un détournement de pouvoir.

L’affaire a été appelée à l’audience publique de la Cour administrative d’appel de Paris du 25 novembre 2003, au cours de laquelle M. le commissaire du gouvernement Demouveaux a conclu à l’annulation du jugement et de la décision attaqués, en indiquant, après avoir rappelé les éléments invoqués par l’U.R.V., que « ces faits, une fois réunis, laissent une impression troublante et que, seule, l’infinie indulgence du juge administratif, voire sa myopie ou sa surdité, à l’égard des comportements laissant entrevoir des indices de détournement de pouvoir, est de nature à leur ôter toute signification malveillante, d’autant que nous nous accordons avec le requérant pour estimer que le prix de cession paraît bien modique et bien peu convaincantes les raisons avancées par le tribunal administratif pour justifier cette modicité ».

Mais, par arrêt du 9 décembre 2003, frappé de pourvoi par la Ville de Versailles, la Cour administrative d’appel de Paris a préféré ordonner une expertise pour procéder à l’évaluation, à la date du 28 juin 2001, des immeubles et des droits dont la cession avait été autorisée à cette date par délibération du Conseil municipal de la Commune de Versailles.

 

 

II - Par ordonnance du 12 mars 2004, M. Yves Lehuérou Kerisel a été désigné en qualité d’expert ; il a déposé son rapport le 1er juillet 2004, lequel comportait plusieurs erreurs de calcul, que l’U.R.V. a relevées dans son mémoire du 5 août 2004.

L’expert a alors tenté de justifier ses erreurs en établissant une feuille rectificative (nouvelle version de la page 13 du rapport).

Et par arrêt du 26 avril 2005, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté la requête de l’U.R.V..

C’est cet arrêt qui est ici analysé.

 

 

III - A l’appui de sa demande d’annulation de la délibération du 28 juin 2001, l’U.R.V. a notamment invoqué un détournement de pouvoir, fondé sur plusieurs éléments concordants.

Elle a ainsi établi, tout d’abord, que le prix de vente de l’ensemble immobilier était sensiblement inférieur à sa valeur réelle.

Dans l’arrêt analysé, la Cour administrative d’appel de Paris l’a admis, puisqu’elle a relevé que « la Commune de Versailles a effectivement cédé les parcelles lui appartenant à un prix inférieur de 940.000 F aux 10.540.000 F qui constituait le bas de la fourchette d’évaluation faite par le service des domaines le 15 juin 2001, et inférieur de 1.980.000 F à son estimation maximum par ce service ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier et M. de Lesquen n’établit pas que l’écart entre le prix de cession du bien et sa valeur vénale à cette date, telle qu’elle peut être estimée au vu des pièces du dossier et notamment du rapport de l’expert, serait tel que puisse être tenu pour établi le détournement de pouvoir allégué par le requérant ».

Ce n’est pas rien : à supposer, comme l’a fait la Cour, que le prix de cession à prendre en compte soit de 9.600.000 F, la « remise » consentie à l’acquéreur s’élève, si l’on prend le bas de la fourchette, à 10 % du prix et, si l’on prend le haut, à 20 %.

Au demeurant, ainsi que l’U.R.V. l’avait soutenu dans ses écritures d’appel (mémoires du 15 avril 2003, p. 9, du 5 août 2004, pp. 3 et 4, et note en délibéré du 30 mars 2005, pp. 1 et 2), le prix de vente était en réalité de 9.250.000 F.

En effet, à l’origine, c’est-à-dire en 2001, ce prix était fixé à la somme de 9.600.000 F, et le bénéficiaire devait régler directement une indemnité d’éviction à l’exploitant du fonds de commerce du café “Le Panier fleuri”, indemnité qui était évaluée à la somme de 2.200.000 F, mais cette indemnité s’est élevée finalement à 1.850.000 F. La délibération de 2001 confiait à la société la responsabilité d’indemniser les exploitants et de négocier avec eux, sans prévoir pour autant que la réduction éventuelle du prix obtenue par rapport à l’estimation initiale de 2.200.000 F soit restituée à la Ville.

Selon l’U.R.V., le prix réel ainsi consenti à la société Léon Grosse dans la délibération attaquée du 28 juin 2001 n’était donc pas de 9.600.000 F, contrairement aux apparences, mais bien de 9.600.000 - 2.200.000 + 1.850.000 = 9.250.000 F. En faisant discrètement “cadeau” à la société Léon Grosse de la différence entre l’indemnité d’éviction supposée et l’indemnité réelle, soit 350.000 F, la Ville a fixé le prix de vente réel à 1.810.000 F en dessous de la moyenne de l’estimation des Domaines. À la date du 28 juin 2001, qui est celle, selon l’arrêt de la Cour du 9 décembre 2003, qui doit être prise en considération, le montant réel du prix de vente était donc bien de 9.250.000 F.

Mais, même en prenant le chiffre de 9.600.000 F, et non celui de 9.250.000 F, consentir un « rabais » de 10 à 20 % par rapport à l’évaluation du service des Domaines, sans qu’aucun motif crédible ne soit apporté par la Commune pour justifier ce « geste », suffit à caractériser un détournement de pouvoir.

 

 

IV - Tel est d’autant plus le cas lorsque le « geste » est conforté par d’autres éléments, qui permettent d’établir un faisceau d’indices concordants.

Un détournement de pouvoir est sanctionné chaque fois qu’existent des présomptions sérieuses (Conseil d’Etat, 22 mars 1961, Enard), et notamment lorsque ces présomptions sont renforcées par l’examen des conditions dans lesquelles la décision attaquée a été prise (Conseil d’Etat, 13 janvier 1995, Syndicat autonome des Inspecteurs généraux).

Or, en l’espèce, un véritable faisceau d’indices existe, de nature à établir un tel détournement, ainsi que l’U.R.V. le faisait valoir devant la Cour.

Dans son mémoire du 15 avril 2003 (p. 5), l’U.R.V. rappelait ainsi que le nom de M. Devys, adjoint au maire de Versailles, et celui de la société Léon Grosse avaient été cités dans la presse à propos de l’affaire des marchés truqués des lycées de l’Ile-de-France ; cette société figurait dans la liste des entreprises soupçonnées d’avoir bénéficié des appels d’offres truqués organisés par des responsables des partis de la majorité régionale de l’époque, à savoir le RPR et le CDS et, selon une ordonnance du 17 juillet 2001 rendue par les juges d’instruction Riberolles, Brisset-Foucault et Van Ruymbeke, chargés de cette affaire, M. Bertrand Devys, ancien trésorier du CDS (M. Etienne Pinte est, quant à lui, ancien trésorier du RPR), aurait reçu une partie d’un versement de 500.000 F remis à M. Jégou, ancien président de la fédération centriste d’Ile-de-France.

Et l’entreprise Grosse, dont la SCI de l’avenue de l’Europe est une filiale (et qui est intéressée à l’affaire de la SCI au point de se substituer purement et simplement à elle !), a financé en 1993 la campagne électorale de M. Pinte, en versant une somme de 10.000 F, puis la campagne électorale de M. Devys en 1994, en versant une somme de 14.000 F (mémoire précédent, p. 4).

La preuve d’une « relation privilégiée » entre l’entreprise Grosse d’une part, MM. Pinte et Devys d’autre part, était ainsi rapportée.

L’U.R.V. rappelait, en outre, (mémoires du 15 avril 2003, p. 6, et du 25 mars 2005, p. 3) que le plan d’occupation des sols avait été spécialement modifié le 26 janvier 2001 pour permettre la réalisation du projet de la SCI de l’avenue de l’Europe et l’augmentation des droits à construire de l’ensemble immobilier.

À elle seule, cette modification du POS pour satisfaire seulement un intérêt particulier caractérise un détournement de pouvoir.

L’U.R.V. soutenait aussi (mémoire du 15 avril 2003, p. 9) que le bénéficiaire avait obtenu d’être dispensé de l’obligation de construire des places de parking ; cette dérogation à une obligation justifiée par le souci légitime de réduire les difficultés liées au stationnement n’est absolument pas justifiée en l’espèce.

Enfin, la vente a été consentie sans mise en concurrence, et l’U.R.V. rappelait (conclusions précédentes, p. 8) que le maire de la Commune avait pourtant, lors d’une séance du 26 janvier 2001, affirmé que la Ville offrirait « la possibilité d’acquisition de façon concurrentielle » ; il n’en a rien été.

 

 

V - Dans ces circonstances, en vendant sans mise en concurrence un immeuble à un prix inférieur de 10 à 20 % à l’évaluation retenue par le service des Domaines, sans justifier sa décision par un quelconque motif d’intérêt général, la Ville de Versailles s’est placée dans une situation permettant objectivement de nourrir des soupçons et de conclure au détournement de pouvoir.

Au demeurant, l’estimation du service des Domaines peut se révéler bien inférieure au prix de vente, si une mise en concurrence est organisée ; l’U.R.V. citait ainsi (mémoire du 25 mars 2005, p. 3) l’exemple d’un immeuble situé dans une commune voisine de Versailles, Saint-Cyr-l’Ecole, que le service des Domaines avait estimé à 935.800 EUR et qui avait été vendu, après mise en concurrence, à la somme de 2.731.000 EUR , c’est-à-dire trois fois plus cher !

Dans le même sens, l’U.R.V. soutenait (mémoire du 15 avril 2003, pp. 7 et 8) qu’en retenant une surface arrondie à 4.000 m² (elle est en réalité de 4.269 m²) et une valeur de terrain de 20.000 F (le prix du m² était alors, au minimum, de 20.000 à 25.000 F), la valeur de réalisation de l’immeuble, une fois construit, serait d’au moins 80.000.000 F ; l’estimation moyenne retenue par le service des Domaines pour la valeur de l’emprise étant de 11.060.000 F, elle ne représente que 14 % de la valeur de la construction future, ce qui est inférieur aux pourcentages habituels dans ce genre d’opération, en général de plus de 30 %.

Le souci d’une bonne gestion des deniers publics conduit le juge à considérer comme d’ordre public le moyen selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas ; ce même souci devrait conduire les collectivités publiques, lorsqu’elles entendent céder leurs biens à des personnes privées, à le faire dans les meilleures conditions financières possibles et, à tout le moins, lorsqu’elles ne recourent pas à une procédure de mise en concurrence ou de simple publicité et qu’en outre elles cèdent le bien à un prix inférieur à l’évaluation du service des Domaines, elles doivent justifier leur décision sur ce point.

En l’espèce, aucune justification n’a été apportée par la Ville de Versailles.

Outre la faiblesse du prix par rapport à l’estimation du service des Domaines, qui suffit à caractériser un détournement de pouvoir, de nombreux faits concordants et de nature à nourrir légitimement des soupçons, rappelés par l’U.R.V. en conclusion de son mémoire du 15 avril 2003 (pp. 9 et 10), étaient ainsi invoqués.

Dès lors, la Cour ne pouvait se contenter d’examiner l’argument fondé sur la sous-évaluation du prix de vente par rapport à l’estimation du service des Domaines ; elle devait précisément s’expliquer sur l’ensemble des moyens invoqués par l’U.R.V. dans ses écritures d’appel et rechercher si tous ces éléments ne permettaient pas de caractériser un faisceau d’indices établissant le détournement de pouvoir.

Le défaut de réponse aux conclusions de l’U.R.V. a donc vicié le raisonnement de la Cour, dont l’arrêt encourt dès lors l’annulation.

Ces différents éléments établissant l’existence d’un détournement de pouvoir avait d’ailleurs convaincu Monsieur le commissaire du gouvernement Demouveaux qui, lorsque l’affaire est venue à l’audience publique de la Cour administrative d’appel de Paris le 25 novembre 2003, avait conclu à l’annulation de la délibération attaquée ; nous rappelons ici les principaux termes de ses conclusions :

 

«  M. de Lesquen soutient que la délibération qu’il conteste est entachée de détournement de pouvoir. Il s’appuie, pour cela, sur un faisceau d’éléments, parmi lesquels l’absence d’appel à la concurrence pour désigner l’acquéreur, le prix anormalement bas offert pour le terrain et la personnalité même de l’acquéreur, à savoir une société de bâtiments et travaux publics qui a apporté un soutien financier à l’équipe municipale actuelle en 1993 et a été impliquée dans des affaires de financement illégal de partis politiques.

Aucun des comportements de la Commune n’est en soi illégal. Une Commune n’est pas tenue (...) de procéder à un appel d’offres pour céder un bien foncier lui appartenant et, si elle dispose de plusieurs offres, elle n’est pas tenue de favoriser la mieux-disante (...). Elle n’est pas davantage tenue de céder le bien en question à un prix au moins égal à l’estimation du service des domaines ni d’exclure de la liste des acquéreurs une société s’étant distinguée, par le passé, par sa générosité à l’égard de la majorité actuelle du Conseil municipal.

Il n’empêche que ces faits, une fois réunis, laissent une impression troublante et que, seule, l’infinie indulgence du juge administratif, voire sa myopie ou sa surdité, à l’égard des comportements laissant entrevoir des indices de détournement de pouvoir, est de nature à leur ôter toute signification malveillante. D’autant que nous nous accordons avec le requérant pour estimer que le prix de cession paraît bien modique et bien peu convaincantes les raisons avancées par le tribunal administratif pour justifier cette modicité.

Il s’agit certes d’un domaine où vous ne disposez d’aucun moyen d’investigation vous permettant de vous appuyer sur des faits certains et établis plutôt que sur des doutes ou des soupçons. Vous ne pouvez notamment vous substituer au juge pénal non plus que procéder à des enquêtes policières. Mais, en tout état de cause, le prix de cession fixé par le service des domaines constitue un repère qui (...) vous permet de tenir pour acquise l’existence d’un écart entre les éléments d’information dont la Commune disposait sur la valeur de son bien et le prix qu’elle a proposé à la société Léon Grosse. La liberté dont disposent les Communes dans le choix de l’acquéreur des biens fonciers qu’elles proposent à la vente et dans la fixation de leur prix de cession (...) ne saurait faire oublier le principe selon lequel une collectivité publique ne peut céder à une personne poursuivant des fins d’intérêt privé un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur que si cette cession est justifiée par des motifs d’intérêt général et comporte des contreparties suffisantes (...).

Or, nous ne trouvons en l’espèce aucun motif d’intérêt général ni aucune contrepartie, la Commune n’ayant même pas songé à en invoquer. Les arguments que celle-ci vous fournit pour justifier le faible montant du prix de cession ne sont guère crédibles, tant le bien en question (...) est idéalement situé au centre de Versailles. Surtout, ils n’ont de justification qu’en vue de la préservation des intérêts propres de l’acquéreur, intérêts qui auraient pu aisément être mis en balance avec les intérêts d’une autre personne privée. Et ce combat entre intérêts privés opposés se serait normalement résolu par une mise en concurrence ou une procédure d’adjudication, qu’il est inconcevable que la Commune n’ait pas pratiquée (...).

C’est pourquoi, un intérêt général n’ayant manifestement pas été recherchée en l’espèce par la Commune, nous vous invitons à accueillir le moyen tiré du détournement de pouvoir.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement attaqué et de la décision litigieuse. »

 

 

VI - La Cour administrative d’appel, en deuxième lieu, a dénaturé les conclusions de l’U.R.V., en indiquant qu’elle soutenait qu’aucune explication n’avait été produite par la municipalité, quant au prix de vente, au cours des débats du Conseil municipal, le 28 juin 2001.

Tel n’était cependant pas la portée du moyen, qui concernait la question précédemment évoquée de l’écart entre l’estimation des Domaines et le prix de cession.

Précisément, l’U.R.V. rappelait, dans son mémoire du 15 avril 2003 (p. 7 § 2), que M. Devys avait, lors d’une intervention au Conseil municipal, tenté de justifier cet écart par des « contraintes architecturales, des servitudes et des obligations d’acquérir des parcelles particulières » ; l’U.R.V. soutenait que si ces contraintes étaient réelles, elles n’auraient pas été ignorées de l’administration des Domaines, qui les aurait donc prises en compte pour son évaluation, et qu’en outre, aucune difficulté particulière n’existait.

L’U.R.V. n’a donc pas soutenu qu’aucune explication n’avait été donnée, elle a fait valoir que l’explication avancée n’était pas crédible, ce qui n’est pas la même chose ; la Cour devait donc s’expliquer sur la raison invoquée par M. Devys pour minorer le prix de cession, d’autant que, ainsi que l’U.R.V. l’a précédemment rappelé, cette minoration est l’un des éléments permettant de caractériser un détournement de pouvoir.

 

 

VII- La Cour, en troisième lieu, s’est fondée sur le rapport de l’expert judiciaire, rapport que cet expert a « rectifié » le 23 septembre 2004. Cela étant, l’expert n’avait ainsi pas le pouvoir de rectifier, sans que personne ne lui ait rien demandé, les erreurs de son rapport, surtout pour tenter de les maquiller.

Dans son mémoire du 5 août 2004 (pp. 2 et 3), l’U.R.V. avait relevé ces erreurs, notamment une erreur de calcul qui conduisait à diminuer de 2.000.000 F le montant de son estimation ; à propos de l’estimation de la charge foncière, l’expert avait écrit l’opération suivante (page 13 de son rapport) :

51.193.000 – 41.310.349 = 9.882.651.

Si cette opération est exacte, c’est le montant du chiffre d’affaires qui ne l’est pas : ce montant, qui figure sur la même page du rapport (ligne 5), était en réalité de 53.193.000 F, de sorte que l’expert aurait dû écrire :

53.193.000 – 41.310.349 = 11.882.651.

Plutôt que d’admettre son erreur, l’expert a tenté de la dissimuler en indiquant, sans justification, qu’il convenait de prendre un chiffre d’affaires théorique diminué de 2.000.000 de F, soit 51.193.000 F (p. 13, version rectifiée de son rapport) ; en d’autres termes, l’expert a diminué le montant du chiffre d’affaires d’une somme correspondant à son erreur de calcul, pour tenter de maquiller cette erreur, ce qui n’est pas admissible.

L’U.R.V. avait ainsi clairement démontré l’erreur de calcul de l’expert ; d’ailleurs, ni la Ville de Versailles ni la société Léon Grosse n’ont tenté de justifier ce « calcul » et, dans ses conclusions du 29 mars 2005, Monsieur le commissaire du gouvernement Lercher a estimé qu’il valait mieux écarter purement et simplement ce rapport d’expertise et s’en tenir à l’estimation des Domaines de 2001.

Par suite, en se référant à ce rapport modifié par l’expert à la suite du mémoire de l’U.R.V. critiquant ledit rapport, bien que l’expert, qui n’est pas partie au procès, n’ait pas eu le pouvoir d’effectuer ces modifications pour maquiller ses erreurs, et en considérant que l’U.R.V. ne rapportait pas la preuve d’une erreur de l’expert, la Cour a exposé sa décision à la censure.

 

 

VIII - La Cour, enfin, a dénaturé certaines pièces du dossier ; parmi les documents qui ont été connus par les parties à la suite de l’expertise, c’est-à-dire, pour chacune des trois parcelles concernées par la cession, la lettre envoyée par le service des Domaines au maire de Versailles le 15 juin 2001 (désignée par l’U.R.V. : A1, B1 et C1, mémoire du 5 août 2004, pp. 4 et suivantes), la note de calcul justifiant cette estimation du 15 juin 2001 (pièces A2, B2 et C2) et une note de calcul postérieure établie sur des bases différentes (pièces A3, B3 et C3), la Cour a confondu les notes A2 et A3, en indiquant « que cet avis, rendu le 15 avril 200l... se fondait sur une note technique d’où il ressort que le service des domaines, pour appliquer la méthode d’évaluation dite du compte à rebours… ».

En réalité, la note technique A2, qui fondait l’avis du 15 juin 2001, ne faisait nullement intervenir la méthode en question.

La Cour s’est trompée une seconde fois, en indiquant que la note complémentaire, c’est-à-dire la note A3, conduisait à une valeur estimative de 7.900.000 F fondée sur la “méthode dite par estimation au m² de surface”, car c’est bien dans cette note A3 qu’est utilisée, à titre principal, la méthode du compte à rebours, l’autre méthode étant seulement invoquée, à titre complémentaire, pour corriger la première.

La Cour a ainsi méconnu la portée de documents permettant d’évaluer les biens cédés, ce qui justifie derechef une censure de sa décision.