L'enseignement des élections
municipales
de Versailles de 2014 et Renouveau.
par Henry de Lesquen,
Président de l'U.R.V. Le
maire sortant, M. François de Mazières, a été
réélu dès le premier tour des élections municipales
de Versailles le 23 mars 2014, avec 55 % des suffrages exprimés,
soit 30 % des inscrits, alors qu'il y avait eu ballottage lors des deux
scrutins précédents, en mars 2001 et mars 2008. Pourquoi
cette différence ?
Moins du tiers
des électeurs pour Mazières
Le résultat versaillais de 2014 doit presque tout aux circonstances
locales. Il a peu été influencé par les tendances
nationales. Certes, le PS est tombé à 15 %, perdant quelques
points, comme partout en France, et plutôt moins qu'ailleurs, mais
le FN est resté à son étiage de 10 %, celui de 2001
(il n'avait pas de liste en 2008), sans enregistrer de progression. L'abstention,
supérieure à la moyenne nationale, a atteint 45 % des inscrits.
En ajoutant 1 % de blancs et nuls, pour être précis, on voit
que près d'un électeur versaillais sur deux n'a voté
pour aucune des six listes candidates. Mazières lui-même
a réuni moins d'un tiers des électeurs, ce qui
relativise la ritournelle sur le prétendu "légitimisme"
invétéré prêté aux Versaillais. Et son
résultat a baissé de 8 % et 1.800 voix par rapport à
celui qu'il avait eu en 2008, quand il l'avait emporté avec 63
% des suffrages exprimés, soit 18.900 voix.
Tout relatif qu'il soit, le succès de Mazières est
incontestable : il a obtenu 40 % de plus que la liste suivante,
celle du parti socialiste menée par Mme Isabelle This-Saint-Jean
! Cela peut surprendre eu égard aux critiques évidentes
qu'appelait son bilan (indépendamment même des scandales
de Richaud et des Chantiers) et à la faiblesse insigne de son projet.
Il s'explique pourtant très simplement, d'une part, par le professionnalisme
de sa campagne, d'autre part, par l'insuffisance de celle des ses concurrents.
L'échec
de ses concurrents
Le seul des candidats qui paraissait a priori susceptible d'inquiéter
Mazières, c'était M. Benoît de Saint-Sernin. Il était
crédible, parlait bien, il avait le sens de la communication et
de bons réseaux dans la ville. De surcroît, il avait le soutien
de l'UMP "canal historique" (Etienne Pinte et Bertrand Devys),
qui voulait se venger du dissident de 2008, François de Mazières,
sans oublier celui de Denis Payre, riche homme d'affaires fondateur du
mouvement "Nous citoyens". La première réunion
publique de Saint-Sernin avait été très réussie,
alors que celle de Mazières avait été poussive. Mais
le soufflé Saint-Sernin est vite retombé. Visiblement, cet
ancien directeur de la communication d'EuroDisney n'avait pas compris
que la politique ne se réduisait pas à la com' et que l'on
ne pouvait pas séduire les électeurs avec les arguments
qui faisaient affluer les visiteurs chez Mickey.
Déjà, le nom de sa liste, "Versailles 90.000 voisins",
était passablement ridicule. Et Saint-Sernin a eu tôt fait
de décevoir ceux qui croyaient en lui parce que la presse locale
le présentait comme "l'anti-Mazières".
On imagine ce qui s'est passé : de braves gens se sont succédé
auprès de lui pour lui dire : "N'attaquez pas Mazières
! Les Versaillais n'aiment pas les attaques", et autres sornettes
de la même farine. Il a eu la candeur de les croire. Il n'a pas
compris que les cris d'orfraie qui partaient du camp d'en face et qui
impressionnaient certains de ses partisans témoignaient de l'efficacité
de sa campagne à ses débuts, quand il s'efforçait
de sortir le sortant.
Henry de Lesquen et l'U.R.V. (Union pour le renouveau de Versailles),
qui ne se représentaient pas, faute d'avoir le temps de faire campagne,
lui avaient pourtant fourni une arme de destruction massive de
la candidature Mazières : l'affaire de l'hôpital Richaud.
On sait que le maire sortant avait vendu en 2009 à un riche promoteur,
de gré à gré, sans mise en concurrence, cet ensemble
immobilier prestigieux, classé monument historique, de plus de
deux hectares au sol, pour 8 millions d'euros seulement, alors que cela
valait assurément 40 millions de plus. Saint-Sernin s'est contenté
d'écrire quelque part en deux lignes qu'il ferait "un
audit des conditions de vente de Richaud", sans plus d'explications.
On pouvait être plus offensif !
Il suffisait de comparer les programmes et surtout la profession de foi
des six candidats pour mesurer la supériorité de
la campagne de Mazières. Les professions de foi sont les
documents électoraux de loin les plus importants puisqu'ils sont
envoyés par la poste à tous les électeurs, juste
avant le vote. Celle de Mazières était excellente ; certes,
ce n'était que poudre aux yeux, mais elle faisait illusion. Celle
de Saint-Sernin était affligeante : pas la moindre critique du
maire sortant et, en guise de programme, quatre propositions qui manquaient
de sérieux. L'une d'entre elles consistait tout simplement à
annoncer la création d'une association (comme si cela relevait
de la commune), laquelle porterait le nom de la liste : "90.000
voisins". On croyait rêver !
Aucun des cinq autres candidats n'a osé critiquer le maire sortant
ou, quand ils se sont risqués à le faire, c'était
sur le mode homéopathique. Il est d'ailleurs frappant que
l'ordre d'arrivée des trois candidats "divers droite"
reproduise exactement l'intensité de leurs attaques. Thibaut
Mathieu, qui avait toujours proclamé qu'il n'avait rien à
reprocher à Mazières, a reçu la récompense
de sa bienveillance : 2 % des suffrages, et cela en dépit d'un
réel talent de communication et de nombreux articles favorables
dans la presse locale. Fabien Bouglé, qui entretenait avec Mazières
des relations cordiales (ils se tutoient), qui avait promis à celui-ci
de ne pas parler de Richaud (il a tenu parole), ne l'a égratigné
que sur la question du mariage homosexuel, sujet important au plan national,
mais qui n'était pas franchement au coeur d'une campagne municipale
: 7 % à l'arrivée. Quant à Saint-Sernin, faute d'avoir
assumé le rôle de l'anti-Mazières, il a fini à
10 %, alors qu'un boulevard s'offrait à lui.
Le Front national, pour sa part, n'a même pas reproché à
Mazières, à l'occasion du débat électoral,
d'avoir transformé un gymnase et une crèche en mosquée
! La campagne de ce parti a été d'une remarquable platitude
à Versailles. Il faut dire que M. François Simeoni, sa tête
de liste, ne se cachait pas en privé d'être pro-musulman,
dans la ligne anticapitaliste et antisioniste d'un Dieudonné. De
surcroît, son ambition se bornait à être conseiller
municipal de Versailles, avec la ferme intention, parce que c'est plus
confortable, à l'instar de son prédécesseur Michel
Bayvet avant 2001, de manger dans la main du maire plutôt que de
le combattre. C'était une candidature inutile.
L'une des fautes commises par Saint-Sernin, qu'il a partagé avec
les deux autres candidats "divers droite", c'est d'être
parti beaucoup trop tard, à peine plus d'un mois avant le scrutin.
C'était trop court. M. de Saint-Sernin est apparemment du genre
hésitant. Il a hésité à se lancer. Il a hésité
à s'allier à Fabien Bouglé. Il a hésité
à s'allier à Thibaut Mathieu. Il a hésité
à attaquer Mazières. Résultat, les Versaillais ont
hésité à voter pour lui.
Les sept atouts
du maire sortant
A l'inverse des élections nationales, où le président
sortant, où la majorité sortante sont régulièrement
battus, en France, parce qu'ils portent le poids de la situation économique
et des difficultés de toute nature, les élections municipales
donnent une large prime au maire en place, car celui-ci
a sept atouts en sa faveur.
1. L'effet Chantecler. Alors que les gens ont tendance à
imputer au gouvernement tout ce qui va mal dans le pays, ils s'imaginent
volontiers que c'est grâce au maire qu'ils vivent agréablement
dans leur commune. Cet effet est particulièrement prononcé
à Versailles, ville merveilleuse et remplie d'attraits. Il suffit
que le maire ne fasse rien pour être populaire ! Ce fut la stratégie
de Mazières après son élection comme maire en 2008,
comme ce fut celle d'André Damien avant 1995, si l'on peut parler
de stratégie pour ce qui est une inclination à la paresse.
(Chantecler, le coq de la pièce d'Edmond Rostand, pensait que le
soleil se levait pour obéir à son cocorico.)
Paradoxalement, il est donc plus difficile de battre un maire qui n'agit
pas, qui ne fait rien, que celui qui lance de grands projets controversés.
Ainsi, en laissant en friche la zone des Chantiers pendant six ans, Mazières
s'est révélé indigne de ses devoirs de maire, mais
ce n'était peut-être pas si mauvais électoralement
2. L'effet Père Noël. Taxe d'habitation et taxe foncière
ne représentent ensemble que 40 % des recettes de la commune. Le
reste, 60 %, vient d'ailleurs, principalement de l'Etat, et n'est donc
pas supporté ou pas ressenti par les électeurs-contribuables
du lieu. C'est encore pire si l'on tient compte de l'intercommunalité,
financée essentiellement par les contributions des entreprises
et les subventions de l'Etat. Par conséquent, même si le
maire est très mauvais, ses administrés reçoivent
beaucoup plus de lui sous forme de services municipaux ou de subventions
diverses qu'ils ne lui donnent consciemment sous forme d'impôt.
3. L'effet des media. Le maire distribue gratuitement à
tous les foyers versaillais un bulletin municipal luxueux (Magazine
Versailles) qui, mois après mois, fait sa propagande. A cet
égard, Mazières ne s'est pas embarrassé des interdictions
prononcées par la loi et a utilisé sans vergogne cette arme
électorale jusqu'à la veille du scrutin. De surcroît,
la presse locale (Nouvelles de Versailles et supplément des Yvelines
du Parisien) était acquise à Mazières, surtout Les
Nouvelles de Versailles, qui étaient carrément à
ses ordres, comme avant lui à ceux de son prédécesseur
Etienne Pinte.
4. L'effet de clientèle. Le maire, s'il n'est pas trop
maladroit, se crée des clientèles en dispensant généreusement
subventions et avantages variés. Ce sont des électeurs acquis
à sa cause, qui sont ses avocats autour d'eux. Songez, par exemple,
aux repas festifs organisés chaque année par la commune
de Versailles pour les personnes âgées. Celles-ci reçoivent
une invitation au nom du maire, qui vient les saluer au cours de leurs
agapes. Comment ne lui seraient-elles pas reconnaissantes de ces attentions
en votant pour lui au scrutin suivant ?
5. L'effet de notoriété. Le maire est très
connu des habitants de la ville, ce qui n'est en général
pas le cas de ses concurrents, qui doivent se faire un nom pour espérer
gagner. En l'espèce, peu de Versaillais avaient entendu parler
des autres têtes de liste avant le début de la campagne...
et même bien souvent avant d'avoir reçu les professions de
foi. Or, on ne vote que rarement pour un inconnu.
6. L'effet d'inertie. On le sait, « un "Tiens"
vaut mieux que deux "Tu l'auras" ».
Dès lors que le maire sortant n'a pas été disqualifié
par ses fautes ,soit parce qu'il n'en a pas fait, soit parce que les électeurs
n'ont pas compris qu'il en avait fait, il bénéficie de la
réaction de prudence de ses administrés, qui sont naturellement
conservateurs.
7. L'effet de communauté. Au bout de six ans, le maire
sortant, même s'il a été parachuté lors de
sa première élection, est forcément considéré
comme "un des nôtres" par les habitants de la ville. Cela
joue en sa faveur contre un concurrent qui vient de l'extérieur.
Déficit
de voix pour Mazières
Puisqu'il y a une prime au sortant, que le maire en place est naturellement
populaire, ses concurrents ne doivent pas se priver de dénoncer
ses fautes. Nec ultra petita : l'électeur juge que le maire sortant
ne peut pas être pire que ce qu'en disent ceux qui veulent prendre
sa place. Quand ceux-ci n'en disent (presque) rien de mal, comment voudrait-on
qu'il ne fût pas réélu ?
Plus le maire sortant est populaire, plus ses concurrents doivent l'attaquer
durement s'ils veulent avoir une chance de le renverser. Cela ne manque
pas de susciter l'indignation de ses partisans. C'est le paradoxe
des attaques politiques : plus elles sont nécessaires,
plus elles suscitent de protestations. Les novices de la politique ont
de la peine à le comprendre.
Le seul qui critiquait Mazières, c'était le président
de l'URV, Henry de Lesquen, conseiller municipal sortant, notamment dans
ses tribunes libres du bulletin municipal. Mais Lesquen ne se représentait
pas. Si les adversaires de Mazières dans ce scrutin avaient fait
un tant soit peu écho à ces critiques, notamment sur Richaud,
la campagne aurait eu une autre tournure.
Cependant, dans les communes voisines, le maire sortant a été
réélu au premier tour avec un résultat sensiblement
supérieur à celui de Mazières à Versailles
: 59 % des voix pour Brillault au Chesnay et 60 % pour Lebrun
à Viroflay. Mazières aurait dû obtenir au moins autant
que ceux-ci, 60 % des voix, compte tenu de la médiocrité
de la campagne de ses compétiteurs. Ou même bien davantage
que 60 % : que l'on songe, par exemple, au résultat d'André
Santini à Issy-les-Moulineaux ou de Nicolas Dupont-Aignan à
Yerres, réélus l'un et l'autre au premier tour avec, respectivement,
67 % et 77 % !
Comment expliquer ce déficit de 5 % au bas mot que Mazières
paraît avoir ainsi enregistré par rapport au résultat
qu'il aurait pu espérer, déficit qui fut sans conséquence
pour lui, mais qui n'en est pas moins significatif ? On ne voit qu'une
seule explication : tout porte à croire que ce déficit de
voix est à mettre à l'actif de l'U.R.V., qui a mené
pendant six ans contre le maire en place une action pugnace, résolument
offensive, en dénonçant ses turpitudes. Il est fort regrettable
que les concurrents de Mazières n'aient pas su tirer parti du travail
qui avait été fait par d'autres, dans le seul intérêt
des Versaillais.
Comparaison
des trois derniers scrutins
La configuration du scrutin de 2014 ressemblait fort à
celle de 2001, alors que celle de 2008 était très
différente.
En 2001, comme en 2014, le maire sortant se représentait après
avoir fait un premier mandat (Etienne Pinte en 2001, François de
Mazières en 2014). Il y avait une liste du parti socialiste et
une liste du Front national. Enfin, il y avait deux ou trois listes "divers
droite" (deux en 2001, Henry de Lesquen et Marie-Françoise
Griffon ; trois en 2014, Benoît de Saint-Sernin, Fabien Bouglé
et Thibaut Mathieu). Mais, en 2001, Lesquen et l'URV avaient commencé
leur campagne six mois avant le vote, en octobre 2000, et avaient vivement
attaqué Pinte. Résultat : ballottage et 26 % au second tour.
En 2014, Saint-Sernin occupait mutatis mutandis la place qu'avait
Lesquen en 2001, si ce n'est qu'il avait beaucoup plus d'atouts que ce
dernier : on l'a vu, il avait des réseaux, des soutiens et l'expérience
de la communication que Lesquen n'avait pas. Pourtant, Saint-Sernin n'a
eu que 10 % et Mazières a été élu au premier
tour.
Pour les élections de mars 2008, c'était très différent.
Le maire sortant, Etienne Pinte, ne se représentait pas et deux
de ses adjoints briguaient sa succession : le candidat officiel, Bertrand
Devys, et le candidat dissident, François de Mazières. Henry
de Lesquen, quant à lui, qui avait pris la tête de Radio
Courtoisie en 2006, a manqué de temps pour faire campagne et ne
l'a commencée que fin janvier. De surcroît, on a assisté
à un surprenant phénomène médiatique,
qu'on n'a vu ni en 2001 ni en 2014. Les grandes revues nationales, L'Express,
Le Point, Le nouvel Observateur, ont fait tour à tour, semaine
après semaine, comme si elles s'étaient coordonnées,
un numéro spécial sur les élections municipales versaillaises
; la couverture du journal, reproduite en affiche sur tous les kiosques
versaillais pendant une semaine chacune, avait toujours le même
sens : "Le duel Devys-Mazières". Le Figaro
a fait aussi un numéro spécial du même tonneau. Lesquen
n'avait droit dans tous les cas qu'à quelques lignes du dossier
et se trouvait ainsi médiatiquement marginalisé, alors qu'il
avait, avec ses amis de l'URV au conseil municipal, incarné l'opposition
à la municipalité Pinte-Devys-Mazières pendant sept
ans, de 2001 à 2008. Ce matraquage médiatique fut efficace
et la prophétie du duel fut autoréalisatrice. C'est Mazières
qui l'a emporté après ballottage et le retrait de Devys.
Lesquen et l'URV n'ont obtenu cette fois-là que 13 % des voix,
deux fois moins qu'en 2001.
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Les élections
municipales de 2014 ont été un gâchis. Un
mauvais maire a été facilement réélu parce
que ses concurrents avaient manqué de courage et d'intelligence
politiques. Versailles méritait mieux. Il n'est pas impossible
cependant qu'il y ait un second tour judiciaire si la Justice finissait
par s'intéresser à l'affaire de l'ex-hôpital Richaud
pour conclure qu'il y a eu détournement de fonds publics, la sous-estimation
évidente du prix de vente se révélant intentionnelle
et le délit non prescrit. L'avenir le dira.
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