Versailles, le 23 décembre 2005




COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE VERSAILLES

2 esplanade Grand-Siècle - 78011 Versailles CEDEX


MÉMOIRE INTRODUCTIF D’INSTANCE


APPEL CONTRE UN JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE VERSAILLES


 

POUR : Monsieur Henry de Lesquen, conseiller municipal de Versailles, président du groupe “Union pour le Renouveau de Versailles (U.R.V.)”, domicilié au 35 rue des Bourdonnais, 78000 Versailles.

 

                Ayant pour avocat

                Maître Clélie de Lesquen,

                avocat au Barreau de Paris

 

 

REQUÊTE : Annulation du jugement en date du 13 octobre 2005 du Tribunal administratif de Versailles rejetant la requête de M. de Lesquen tendant à l’annulation de la délibération n° 2004.12.243 du conseil municipal de Versailles en date du 16 décembre 2004 portant adoption du budget primitif pour 2005 [acte accompli par la commune de Versailles, représentée par son maire, domicilié à l’Hôtel de Ville, 4 avenue de Paris, 78000 Versailles] (production n° 1).

 

 

 

Nous avons l’honneur de saisir la Cour administrative d’appel de Versailles d’une requête dirigée contre un jugement en date du 13 octobre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. de Lesquen tendant à l’annulation d’une délibération du conseil municipal de Versailles en date du 16 décembre 2004.

 

 

RAPPEL DES FAITS

 

Par une demande enregistrée au Tribunal administratif de Versailles le 16 février 2005, M. de Lesquen a demandé l’annulation d’une délibération n° 2004.12.243 du conseil municipal de Versailles en date du 16 décembre 2004 portant adoption du budget primitif pour 2005.

Par un jugement du 13 octobre 2005, le Tribunal administratif a rejeté cette demande, en estimant qu’aucun des moyens soulevés ne pouvait emporter l’annulation de la délibération attaquée.

M. de Lesquen a l’honneur de faire appel de ce jugement, qui encourt l’annulation, tant pour des motifs de forme que de fond.

 

 

RECEVABILITÉ

 

La présente requête est enregistrée dans les délais de recours contentieux, puisque le jugement attaqué a été notifié au requérant par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 21 octobre 2005, affranchie le 21 octobre 2005, présentée et distribuée à son domicile le 24 octobre 2005.

 

 

IRRÉGULARITÉ DU JUGEMENT ATTAQUÉ

 

Le jugement attaqué n’a pas suffisamment répondu aux moyens soulevés par le requérant.

 

1. Le Tribunal administratif a jugé suffisant, pour que soit respectée l’obligation énoncée à l’article L. 2312-2 du code général des collectivités territoriales, qu’un vote formel intervienne sur chaque chapitre, et qu’il n’était pas nécessaire, en revanche, que ceux-ci aient été discutés séparément. Il écrit, en effet (page 2 du jugement) :

Considérant que les crédits figurant au projet de budget primitif pour 2005 ont bien été votés chapitre par chapitre par le conseil municipal de Versailles, lors de sa séance du 16 décembre 2004 ; que les dispositions ci-dessus rappelées du code général des collectivités territoriales n’imposent pas par elle-mêmes de règles en ce qui concerne l’organisation du débat précédant le vote et, notamment, les temps de parole attribués aux conseillers municipaux, ces règles relevant du règlement intérieur du conseil municipal.

Or, le requérant s’était référé à la jurisprudence“commune de Cestas” du 18 mars 1994, par lequel le Conseil d’Etat a expressément posé que le formalisme des votes par chapitre n’était pas nécessaire à la légalité de la délibération budgétaire. Il faut bien admettre, a contrario, sauf à vider de toute portée l’obligation du vote par chapitre énoncée par l’article L. 2312-2, que la discussion par chapitre est exigée par la loi, et que celle-ci impose donc au moins cette règle “en ce qui concerne l’organisation du débat précédant le vote”. Mais le Tribunal administratif a ignoré cet argument avancé par le requérant (voir page 12 de son mémoire du 16 février 2005, production n° 3).

 

2. Le Tribunal administratif a admis deux des moyens soulevés par le requérant, mais il n’en a tiré aucune conséquence. En effet, puisqu’il est constant que les dispositions du 3e alinéa de l’article 17 du règlement intérieur ne s’appliquait pas en la circonstance, d’une part, et que la suspension de séance demandée par le requérant en vertu de l’article 18 du même règlement intérieur a été refusée à tort, d’autre part, le Tribunal aurait dû en déduire que la procédure était grossièrement irrégulière et annuler, en conséquence, la délibération attaquée, ce qu’il s’est refusé à faire.

 

3. Le Tribunal administratif, qui a cru pouvoir admettre l’analyse du maire selon lequel le 6e et dernier alinéa de l’article 16 du règlement intérieur était applicable en la circonstance, n’a pas répondu, sur ce point, aux arguments que le requérant avait avancés dans son mémoire en réplique du 11 septembre 2005, page 7.

 

Ce jugement ne pourra, par suite, qu’être annulé pour vice de forme, ce qui conduira la Cour à statuer par voie d’évocation.

 

MOTIFS DE FOND

 

M. de Lesquen souhaite reprendre devant la Cour l’essentiel de l’argumentation qu’il avait présentée devant les premiers juges, en montrant que ceux-ci ont mal apprécié les circonstances de l’affaire qui leur était soumise.

 

1. Il ne fait, en effet, aucun doute, quand on se reporte au procès-verbal des débats de la séance du 16 décembre 2004, que le requérant a largement reproduit dans son mémoire du 16 février 2005, et qu’il a joint intégralement à ce mémoire, que les droits d’expression des conseillers municipaux de l’opposition ont été gravement méconnus, au regard de l’article L. 2312-2 du code général des collectivités territoriales, en vertu duquel “les crédits sont votés par chapitre”. Tel que cet article a été interprété par le Conseil d’Etat dans l’arrêt susmentionné “commune de Cestas” du 18 mars 1994, il importe peu qu’un vote formel, “en cascade”, soit intervenu, in fine, pour chacun des chapitres, dès lors que le requérant et ses collègues du groupe U.R.V. ont été empêchés de s’exprimer séparément sur chaque chapitre.

Du reste, s’il est vrai que la loi n’impose pas un temps de parole déterminé, il paraît clairement découler, tant du texte de l’article L. 2312-2 que de la jurisprudence du Conseil d’Etat rappelée ci-dessus, que tout conseiller municipal doit pouvoir intervenir sur chaque chapitre.

 

2. Le Tribunal administratif a jugé que le 6e et dernier alinéa de l’article 16 du règlement intérieur était applicable en la circonstance et qu’ainsi les interventions des conseillers municipaux auraient pu être limitées à six minutes par groupe... Mais cette analyse est, en réalité, insoutenable, car il est patent que ces dispositions du dernier alinéa de l’article 16 ne concernent que des débats supplémentaires, qui sont spécialement décidés, ce qui n’est pas le cas du débat budgétaire prévu par la loi. Il est dit, en effet : “Le conseil peut décider, sur proposition du maire, que le débat sera organisé sur des questions importantes engageant la politique municipale...”, parmi lesquelles le budget est mentionné, à côté des “aménagements de la ville”, des “investissements neufs”, etc.. Il est impossible de confondre ces débats facultatifs et supplémentaires qui peuvent intervenir sur des sujets divers, et notamment sur le budget, et qui, au demeurant, ne semblent pas aboutir nécessairement au vote d’une délibération, avec les débats budgétaires prescrits par la loi.

Les débats budgétaires prescrits par la loi sont mentionnés au premier alinéa de l’article 17 du règlement intérieur, qui reproduit le 1er alinéa de l’article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales. Les débats d’orientations budgétaires sont mentionnés au 2e alinéa de l’article 17. Enfin, l’organisation de ces débats d’orientations budgétaires est précisé au 3e et dernier alinéa du même article 17. Si rien n’est dit, dans l’article 17, sur l’organisation du débat budgétaire lui-même, c’est que les dispositions de droit commun s’appliquent, en sorte que chaque conseiller municipal peut intervenir cinq minutes dans la discussion, ainsi qu’il est dit aux cinq premiers alinéas de l’article 16. Cette exégèse semble, à vrai dire, évidente, et ne peut être sérieusement contestée, à moins de tordre les textes.

A titre subsidiaire, on peut affirmer que le dernier alinéa de l’article 16 serait illégal, s’il avait le sens que lui ont donné le maire, puis le Tribunal administratif, c’est-à-dire si l’on pouvait l’appliquer aux débats budgétaires proprement dit, parce qu’il serait abusif, dans ce cas, de limiter les interventions à un orateur et à six minutes par groupe : il en résulterait, notamment, que les conseillers municipaux non inscrits n’auraient pas le droit de s’exprimer au cours de la discussion budgétaire, et l’on ne voit pas non plus comment cette limitation à six minutes par groupe pourrait être conciliée avec le droit d’amendement reconnu à tous les conseillers municipaux. De plus, cette limitation ne permettrait pas une discussion par chapitre.

 

PAR CES MOTIFS et tous autres à développer, déduire ou suppléer, M. de Lesquen confirme en tous points sa demande d’annulation de la délibération du 16 décembre 2004.

 

Fait à Versailles, le 23 décembre 2005.

 

 

 

 

                                                                         Clélie de Lesquen

                                                              avocat au Barreau de Paris

 

 

PRODUCTION

 

1.          Jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 13 octobre 2005.

2.          Lettre du Tribunal administratif de Versailles en date du 21 octobre 2005.

3.          Mémoire du 16 février 2005.