Versailles, le 11 septembre 2005



TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE VERSAILLES


MÉMOIRE EN RÉPLIQUE

 

POUR : Monsieur Henry de Lesquen, conseiller municipal de Versailles, président du groupe “Union pour le Renouveau de Versailles (U.R.V.)”, domicilié au 35 rue des Bourdonnais, 78000 Versailles.

 

 

CONTRE : La délibération n° 2004.12.243 du conseil municipal de Versailles en date du 16 décembre 2004 portant adoption du budget primitif pour 2005 [acte accompli par la commune de Versailles, représentée par son maire, domicilié à l’Hôtel de Ville, 4 avenue de Paris, 78000 Versailles].

 

 

               Le requérant entend répliquer ici au mémoire en réponse qui a été déposé le 11 juin 2005 par le maire de Versailles.



FAITS



I - Le maire de Versailles affirme, contre toute vérité, que le requérant a pu s’exprimer autant qu’il le souhaitait au cours des débats budgétaires du 16 décembre 2005. Il suffit de se reporter aux extraits du procès-verbal de la séance qui ont été reproduits dans le mémoire introductif d’instance du 16 février 2005 pour se rendre compte qu’il n’en a rien été. C’est ainsi, en particulier, que Mme Bernadette Dupont, première adjointe, qui présidait la séance en l’absence du maire, a refusé la parole au requérant, quand elle a fait procéder “en cascade” au vote des chapitres, et qu’il est intervenu à nouveau, mais en vain, pour obtenir le respect de la loi, en demandant une discussion par chapitre, ainsi qu’il a été déjà souligné dans le mémoire susmentionné du 16 février 2005 (qui citait de larges extraits des pages 640 à 642 du procès-verbal) :


Mme DUPONT :

Je vous propose maintenant de voter par chapitre.

 

M. de LESQUEN :

Non, Madame. Nous voulons, en vertu de la loi, intervenir sur chaque chapitre. (exclamations).

 

Mme DUPONT :

Non. Vous avez déjà fait un grand exposé…

 

M. de LESQUEN :

Non, je suis intervenu en général, sur les chapitres non ventilés.

 

Mme DUPONT :

J’appelle le vote sur le chapitre 900.

 

M. de LESQUEN :

Nous refusons de prendre part au vote dans ces conditions. Il n’y a pas eu de délibération.

 

M. DEVYS :

Nous allons voter par chapitre. Si vous en êtes d’accord, je donnerai le numéro de chapitre, l’intitulé et les crédits, et Madame le Sénateur mettra aux voix.

 

M. de LESQUEN :

Il n’y a pas eu d’explication par chapitre.

 

M. DEVYS :

Si certains le veulent, ils peuvent présenter une explication de vote, mais il n’y a pas de débat.

 

M. de LESQUEN :

Vous violez la loi !

 

Mme DUPONT :

Monsieur de Lesquen, j’ai proposé à votre groupe de faire des remarques, vous avez fait un discours sur le logement, et aucune remarque sur aucun chapitre. Je peux donc maintenant procéder au vote.

 

M. de LESQUEN :

Mais nous voulons intervenir sur les chapitres successifs !

 

Mme MASSE :

J’ai d’autres remarques à faire.

 

M. DEVYS :

En section de fonctionnement,

Chapitre 920, services généraux des administrations publiques et locales.

En dépenses 18 734 362 euros, en recettes 1 516 004 euros.

 

Mme DUPONT :

Qui est contre, qui est pour, qui s’abstient ?

 

M. de LESQUEN :

Nous ne participerons pas au vote, vous ne respectez pas la loi.

 

Ce chapitre est voté avec 6 abstentions (Mme Nègre et groupe de la Gauche plurielle), le groupe de l’Union pour le renouveau de Versailles ne participant pas au vote.

En appliquant une procédure identique, Mme Dupont, assistée de M. Devys, fait voter sur les chapitres suivants.


Le requérant, qui est le président d’un groupe officiellement constitué au sein du conseil municipal, est intervenu à maintes reprises, en effet : cependant, mis à part une exposé général sur les équilibres budgétaires, il n’a pu prendre la parole que pour des rappels au règlement, et sans jamais être entendu. En revanche, il n’a jamais pu exposer ses analyses sur des chapitres budgétaires particuliers, comme il l’aurait souhaité et comme il l’a demandé expressément.


De plus, le requérant n’est pas seul en cause, contrairement à ce que le maire cherche à faire accroire. Sa collègue du groupe U.R.V., Mme Martine Masse, n’a pas non plus pu intervenir librement. Nous avons reproduit, pages 5 à 8 du mémoire susmentionné du 16 février 2005, des extraits de la page 632 et des pages 636 à 639 du procès-verbal qui sont éloquents à cet égard et qui contiennent quelques perles, de la bouche de Mme Dupont :


Mme DUPONT :

Je pense que Mme Masse avait une question complémentaire à poser.

 

Mme MASSE :

Ce n’est pas une question complémentaire, je voudrais intervenir sur le budget. (murmures)

 

Mme DUPONT :

Non, il y a un orateur par groupe.

 

C’est-à-dire que, dans sa grande bonté, Mme Dupont voulait bien autoriser Mme Masse “à poser une question complémentaire”, mais qu’elle lui a expressément refusé d’intervenir sur le budget, sous prétexte qu’il n’y avait “qu’un orateur par groupe”.


La même Mme Dupont s’est permise ensuite d’interrompre Mme Masse pour l’empêcher de s’exprimer :


Mme DUPONT :

Mme Masse, voulez-vous intervenir sur un chapitre ?

 

Mme MASSE :

Sur le chapitre 907 et le chapitre 927.

Le 6 mai de cette année, nous avions discuté de l’opération programmée d’amélioration de l’habitat et j’avais indiqué que c’était ce que nous souhaitions pour notre ville. (...)

 

Mme DUPONT :

Mme Masse, ne prolongez pas le débat. Vous intervenez sur deux articles relatifs au logement. Je vous demande de faire une synthèse et non un exposé qui n’en finit pas.

 

Mme MASSE :

Vous devez me laisser parler.

 

Mme DUPONT :

Non, votre groupe a déjà eu ses dix minutes. Vous avez le droit de faire une intervention, pas de nous faire un discours.

 

Mme MASSE :

C’est une synthèse. (murmures)

Nous demandons surtout…

 

Mme DUPONT :

Avez-vous une question précise sur le chapitre logement ? S’il y a des choses avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord, dites-le, mais ne nous faites pas un discours sur le logement à Versailles.

 

Mme MASSE :

Mais c’est grossier. Ce n’est pas normal. Nous voulons aussi avoir voix au chapitre.

 

Mme DUPONT :

On vous donne voix au chapitre sur le budget, ne nous faites pas un discours général sur le logement.


Ainsi, Mme Dupont s’est cru autorisée à censurer à un conseiller municipal, sous prétexte qu’il faisait “un discours général sur le logement”... à propos du chapitre budgétaire qui contient les crédits du logement !


Elle a ensuite manifesté avec une belle candeur la conception qu’elle avait de la démocratie municipale :


Mme MASSE :

Je parle du budget du logement. Je ne vois pas pourquoi vous estimez que je ne peux pas le faire.

 

Mme DUPONT :

Mme MASSE, je vous ai fait le cadeau de vous donner la parole

 

Mme MASSE :

Vous devez nous laisser parler, les uns et les autres.

 

Mme DUPONT :

Alors, maintenant, vous allez vous taire. Allez-y, madame Lehuard.


Ayant affirmé qu’un seul conseiller municipal pouvait intervenir dans chaque groupe, Mme Dupont pensait ingénument qu’elle faisait “un cadeau” à Mme Masse en lui donnant la parole et entendait l’obliger à s’en tenir à des “questions” ou des “remarques”, et lui interdire de faire des “discours”.


Il est donc constant que les conseillers municipaux d’opposition n’ont pas pas pu s’exprimer librement, contrairement aux affirmations du maire de Versailles.



DISCUSSION



1. Violation des dispositions du code général des collectivités territoriales

La partie défenderesse joue sur les mots en écrivant que “le requérant ne nie pas que les crédits étaient présentés par chapitre” (p. 3 du mémoire en réponse). Il est de fait que les documents budgétaires respectaient la nomenclature des chapitres et qu’en ce sens le budget a bien été “présenté” par chapitre, en ce qui concernait l’écrit. Mais il n’a pas été présenté par chapitre à l’oral, au cours de la discussion budgétaire du 16 décembre 2005, et c’est bien cela qui est en cause.


Ensuite, le maire observe que la majorité des membres du conseil municipal ont donné leur assentiment au budget. Sans doute. Mais ce n’est pas la question. La jurisprudence déjà citée “commune de Cestas” du 18 mars 1994 établit, en effet, que la discussion budgétaire doit avoir lieu par chapitre, pour respecter les termes de l’article L. 2312-2 du code général des collectivités territoriales. Et c’est ce qui n’a pas eu lieu. Pour que la délibération soit légale, il ne suffit pas qu’un vote majoritaire ait lieu in fine, il faut aussi que la procédure ait respecté l’article L. 2312-2, dans l’interprétation qu’en donne la jurisprudence de la Haute Assemblée.


En citant l’arrêt “commune de Cestas”, qui soulignait que le maire de cette commune avait “d’abord procédé à une présentation détaillée du budget, chapitre par chapitre, au cours de laquelle chaque conseiller pouvait demander des explications sur un article ou sur un chapitre lui-même ou encore présenter son opposition au chapitre”, la partie défenderesse a souligné involontairement la force de l’argumentation du requérant, puisque, justement, cette “présentation détaillée” par chapitre n’a pas eu lieu.


La partie défenderesse fait ensuite quelques citations, sorties de leur contexte, (p. 3 du mémoire en réponse) pour tenter de faire accroire que la procédure a été conforme à la loi, puisque “chaque groupe d’élus a été mis en mesure de prendre la parole sur chaque chapitre”, selon elle.


C’est, une nouvelle fois, finasser en jouant sur les mots.


Premièrement, le droit d’expression des élus s’entend individuellement pour chaque élu, et non par groupe d’élus.


Deuxièmement, le fait que Mme Dupont ait fait “le cadeau” d’autoriser les conseillers municipaux à poser des “questions” ou à faire des “remarques” sur certains chapitres ne signifie pas qu’ils aient pu s’exprimer librement : on l’a bien vu, dans le cas de Mme Masse.


Troisièment, les cinq citations n’ont ni le sens ni la portée que le mémoire en défense prétend leur donner :


a) “Il vous est loisible de procéder chapitre par chapitre et de poser aux adjoints concernés les questions que vous voulez.” (p. 622) Voici le passage complet :


Mme DUPONT :

Je remercie M. Gressier de son travail et de cet exposé très clair.

Chaque groupe a maintenant la parole pour 10 minutes, pour un seul orateur. Il vous est loisible de procéder chapitre par chapitre et de poser aux adjoints concernés les questions que vous voulez. Ayant tous reçu les documents dans les délais, vous avez eu l’occasion de les étudier.


Ainsi, Mme Dupont, dans sa grande bonté, indiquait aux groupes que l’unique orateur qui devait les représenter pouvait, s’il le souhaitait “procéder chapitre par chapitre” à l’intérieur de son intervention de dix minutes... C’était aimable à elle, mais parfaitement inutile. De plus, selon la loi, il n’est pas “loisible” de procéder par chapitre, c’est obligatoire, et ce n’est pas à chaque orateur de le faire séparément : c’est l’ensemble de la discussion qui doit avoir lieu ainsi.


b) “Votre groupe a encore quelques minutes pour poser des questions sur un chapitre particulier.” (p. 624)

Cette aimable autorisation, adressée au groupe de la gauche plurielle, présidé par Mme Coulloch-Katz, a la même portée que la citation précédente. Elle signifie seulement que M. Casanova n’avait pas épuisé le temps de parole de son groupe, fixé à dix minutes par Mme Dupont. Pour autant, ce n’est pas une discussion par chapitre.


c) “Dites, chapitre par chapitre, ce qui ne vous convient pas.” (p. 629)

Mme Dupont, ici, a interrompu le requérant, qui faisait l’intervention générale qui avait été “octroyée” à son groupe, pour lui demander d’intervenir “chapitre par chapitre”, ce qui, nous l’avons dit à propos de la citation (a), est parfaitement hors sujet.


d) “Mme Masse, voulez-vous intervenir sur un chapitre ?

Sur le chapitre 907 et le chapitre 927.” (p. 636)

C’est un extrait du texte que nous avons cité ci-dessus, p. 3, et qui doit se lire comme suit :


Mme DUPONT :

Mme Masse, voulez-vous intervenir sur un chapitre ?

 

Mme MASSE :

Sur le chapitre 907 et le chapitre 927.


Or, nous avons vu que, justement, Mme Masse n’a pas pu dire ce qu’elle voulait dire.


e) “J’ai proposé à votre groupe de faire des remarques, vous avez fait un discours sur le logement, et aucune remarque sur aucun chapitre. Je peux donc maintenant procéder au vote.” (p. 640)

C’est un extrait d’un autre texte cité ci-dessus, p. 2, qui doit se lire comme suit :



 Mme DUPONT :

Monsieur de Lesquen, j’ai proposé à votre groupe de faire des remarques, vous avez fait un discours sur le logement, et aucune remarque sur aucun chapitre. Je peux donc maintenant procéder au vote.


Nous avons vu que cette remarque de Mme Dupont, absurde sur le fond, et d’une insigne mauvaise foi, n’était qu’une argutie pour refuser l’application de la loi, demandée par le requérant.


Ainsi, il a été démontré que c’est une contre-vérité d’écrire, comme le fait le maire de Versailles, que “le groupe de M. de Lesquen a été en mesure de discuter le budget chapitre par chapitre”. De surcroît, cette remarque spécieuse est faite pour créer la confusion, car la discussion par chapitre ne concerne pas un groupe en particulier, mais l’ensemble des conseillers municipaux.


Quatrièmement, pour respecter les exigences légales, il faut d’abord que chacun des chapitres soit présenté et discuté successivement par le conseil municipal pris comme un tout, au cours de la discussion budgétaire, et c’est précisément ce qui n’a pas eu lieu.


2. Violation du règlement intérieur

Mme Dupont s’était référé à l’article 17 du règlement intérieur (troisième alinéa), en déclarant : “Excusez-moi, mais, si vous savez lire, page 8 du règlement intérieur, il est bien dit que, pour les débats ordinaires, vous avez une seule intervention de six minutes, qui est portée à dix minutes pour le débat budgétaire.” Elle a donc confondu débat budgétaire et débat d’orientations budgétaire. Le maire de Versailles, p. 4 de son mémoire en réponse, rend les armes au requérant sur ce point. Il admet que le troisième alinéa de l’article 17 était inapplicable, ce qui était, au demeurant, évident. Ainsi, Mme Dupont n’avait pas le droit de limiter les interventions à un orateur par groupe, ce qui suffit à entacher la délibération d’illégalité.


Le maire prétend alors que le dernier alinéa de l’article 16 était applicable et qu’ainsi les interventions auraient pu être limitées à six minutes par groupe... En réalité, ces dispositions concernent des débats supplémentaires, qui sont spécialement décidés, ce qui n’est pas le cas du débat budgétaire prévu par la loi. Il est dit, en effet : “Le conseil peut décider, sur proposition du maire, que le débat sera organisé sur des questions importantes engageant la politique municipale...”, parmi lesquelles le budget est mentionné, à côté des “aménagements de la ville”, des “investissements neufs”, etc.. Il est impossible de confondre ces débats facultatifs supplémentaires qui peuvent intervenir sur des sujets divers, et notamment sur le budget, et qui, au demeurant, ne semblent pas aboutir nécessairement au vote d’une délibération, avec les débats budgétaires prescrits par la loi.

A titre subsidiaire, nous affirmons que cette disposition serait illégale, si elle avait le sens que lui donne le maire, c’est-à-dire si l’on pouvait l’appliquer aux débats bugétaires proprement dit, parce qu’il serait abusif, dans ce cas, de limiter les interventions à un orateur et à six minutes par groupe et que cette limitation ne permettrait pas une discussion par chapitre.


Le maire se livre ensuite, page 4 de son mémoire, à des attaques parfaitement déplacées contre le requérant, en accumulant une série de contre-vérités, qui n’ont, du reste, rien à voir avec le sujet. On soulignera, en particulier, qu’il ne craint pas d’affirmer que c’est le requérant qui a montré “le plus grand mépris du règlement intérieur”, alors que ce dernier n’a cessé, au contraire, de s’en réclamer.


Le maire prétend que ce n’est pas “au nom d’un groupe” que le requérant a demandé la suspension de séance. Or, si l’on se reporte au procès-verbal, pp. 622-623, cité en pages 3 et 4 du mémoire introductif d’instance, il apparaît à l’évidence que le requérant, dont la qualité de président du groupe U.R.V. était bien connue de tous, intervenait en cette qualité et qu’il était donc inutile qu’il le rappelât, lorqu’il a déclaré : “Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.”

Du reste, Mme Dupont ne lui a pas demandé de préciser qu’il le faisait au nom de son groupe, ce qu’elle ne pouvait ignorer, elle a seulement contesté l’opportunité de ladite demande de suspension de séance, ce qu’elle n’avait pas le droit de faire.



Le requérant a donc l’honneur de confirmer en tous points sa demande d’annulation de la délibération du conseil municipal de Versailles en date du 16 décembre 2004 et conclut derechef qu’il plaise au Tribunal administratif de Versailles condamner la Ville de Versailles à lui payer une somme de 1.500 EUR par application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.






                                                                           Henry de Lesquen